Nous sommes en 1788 clame en 2013 Jean-Luc Mélenchon lors de sa marche sur Bercy….J’admets volontiers qu’il est difficile de prendre au sérieux celui-là même qui, vomissant aujourd’hui François Hollande, demandait, à la veille du second tour de 2012, de voter pour lui «sans conditions et sans rien demander en échange» ! Jean-Luc Mélenchon comme François Bayrou souffre d’inconstance…
Mais il n’empêche que l’on aurait tort de rester sourd à ses foucades… Bien avant 1788 il y eut Malesherbes et ses vaines alertes sur la nécessité d’écouter le peuple et de réduire les impôts. En 1771 le triumvirat de Maupeou prend le pouvoir, Malesherbes rédige les fameuses « Remontrances» qu’il diffuse clandestinement. Peine perdue, on l’exile dans sa province et on connait la suite…
Je ne suis pas Malesherbes, loin, très loin s’en faut, mais je dénonce aujourd’hui ce qui apparaitra dans quelques années comme une évidence : la démocratie française, tant qu’à être uniquement réduite à désigner ses maitres, ne tiendra pas cinquante-cinq ans de plus.
Non ! Le rejet de referendums pour les décisions les plus importantes, celles qui engagent des guerres, y compris même celles qui touchent à la conscience du citoyen ne tiendra pas dix ans de plus Sans parler du mépris que le pouvoir affiche à l’égard de l’opinion publique ou de l’hypocrisie qui consiste à accepter le principe du vote blanc pour le refuser dans les faits. L’apathie populaire ne perdurera pas jusqu’au point de considérer comme normal qu’un parti qui a recueilli 3.3% (les Verts) de ses voix ait un pouvoir de gouvernement considérable, alors qu’un autre (Front de Gauche) porté par 11% des électeurs en soit réduit à battre le pavé.
Je vois plusieurs raisons à cela :
1) La paresse populaire est trop contente de refiler à ses élus le boulot du «Pouvoir du Peuple par le Peuple » inscrit au fronton de la Constitution.
2) Une nouvelle vague de «Politiques de métier » sont formés par les partis, dès l’école (ou la faculté), pour faire de la politique. On voit, de plus en plus nombreux aux postes clé, des gens qui n’ont pas connu autre chose que servir la cause publique pour gagner leur vie. Ceux-là ne demandent en toute innocence au Peuple, que de les élire, de leur confier leur bonheur et de la fermer.
3) Nous nous dirigeons, comme l’avait prédit Hannah Arrendt, vers une société de «Travailleurs sans travail » …Ceci, ajouté aux possibilités offertes par les techniques nouvelles, oriente les individus vers les jeux et la frivolité … C’est ainsi que l’on peut faire haro sur la retraite chapeau d’un patron d’entreprise qui tient entre ses mains des milliers d’emplois, pourvu que l’on ne touche pas d’un kopek au salaire faramineux d’un joueur de foot au pied d’or. Le grand sujet d’actualité est l’investissement à consacrer aux stades.
4) Pour quelque raison que ce soit, peut-être par inadvertance, les électeurs ont donné aux socialistes tous les autres pouvoirs en sus de ceux qu’ils possédaient déjà (syndicats et corps intermédiaires en général) Malgré leur volonté de respecter les institutions et leur souci du suffrage universel, les dirigeants de gauche sont soumis à un tropisme vers l’autoritarisme qui est à la racine même du socialisme. C’est, fort heureusement, pour le bonheur des Peuples…
Ce ne sont ni les barrages routiers, ni les bonnets rouges, ni les marches sur Bercy qui peuvent, aujourd’hui, poser problème : ils ne sont encore que les prémices incompris d’un défaut de démocratie…François Hollande sera-t-il le Louis XV des temps modernes ? Le Prince du «Celui qui n’a rien vu venir» ?